Un des premier articles spécifiques publié à l’échelle internationale par une équipe espagnole sur la sécurité du patient en soins dentaires contenant une revue de questions et un plan d’action.
Le constat des auteurs part du fait que la pratique des chirurgiens-dentistes accuse un retard assez net sur le domaine de la sécurité du patient par rapport aux disciplines médicales ou chirurgicales classiques. Plusieurs raisons sont proposées pour expliquer ce retard :
- des évènements finalement peu sévères, avec des patients presque toujours suivis en ambulatoire (de ce fait soumis aux lois d’un marché compétitif avec la crainte de perdre le patient en lui révélant l’évènement, une liberté laissée au patient sur le choix du praticien et du moment de consultation, et de façon plus générale de multiples interruptions et une dilution dans le temps des visites),
- des pathologies extrêmement variables en forme et gravité (qui rendent difficile la tenue de registres de risques bien structurés dans la profession),
- et enfin, bien sûr, une culture de sécurité qui n’est pas encore établie dans la profession et dont le contenu spontané se focalise sur des campagnes d’hygiène et de prévention (pour les patients) plus que d’évitement des erreurs dans les actes au cabinet .
Toutefois, le monde change, et les auteurs constatent qu’il existe de bonnes raisons de penser que la situation va nécessairement évoluer. Les produits, instruments et techniques employés pour les soins sont de plus en plus sophistiqués et agressifs (médicaments, lasers, radiations ionisantes…), les contacts avec la barrière hématologique sont de plus en plus fréquents dans les soins ; bref, tous ces facteurs sont susceptibles d’avoir des effets indésirables plus grands et plus fréquents; sans parler de l’implantologie qui croit rapidement en volume et porte in fine les mêmes risques que la chirurgie classique, conduisant sans doute à considérer les mêmes précautions.
Un plan est donc en train de se dessiner en Espagne (General Council of Dentists of Spain) pour préparer une montée en puissance de la sécurité du patient en soins dentaires.
Les auteurs constatent la quasi absence de références bibliographiques et proposent de ce fait d’employer un lexique, des concepts et des stratégies identiques à ceux définis pour les autres domaines médico-chirurgicaux notamment par l’OMS.
La sécurité du patient est définie comme la réduction des évènements indésirables touchant le patient
La gestion des risques revient à traiter les causes de ces évènements, à les réduire, à gérer les plaintes, à éviter au maximum les conséquences médio-économiques
Les évènements indésirables incluent erreurs, accidents, délais inappropriés, négligences, mais excluent les évènements prévisibles dans le décours de la prise en charge
Les erreurs recouvrent toutes les actions involontaires et incorrectes faites dans le processus de soins y compris les omissions, qu’elles aient ou pas de conséquences pour le patient.
Les presque accidents sont des ‘échappées belles’, des histoires où l’erreur a été commise mais récupérée avant d’avoir un impact sur le patient (par exemple la prescription d’une penicilline chez un patient allergique, mais avec une récupération par le pharmacien lors de la délivrance du médicament).
Le plan proposé pour améliorer la sécurité du patient en soins dentaires en Espagne comporte une série d’axes :
1. Promouvoir une culture de sécurité en soin dentaire autour de l’organisation du soin et de la transparence et du signalement des évènements indésirables
2. Promouvoir la formation sur ce domaine, en considérant qu’on part d’un grand déficit de connaissance chez les professionnels, mais aussi chez les patients
3. Soutenir le programme à l’échelon de l’état et des provinces (l’équivalent de nos ARS), avec une montée en puissance des exigences et des animations
4. Développer un outil de signalement et d’analyse des incidents
5. Régler le conflit juridique ou les peurs éventuelles liées à la révélation des incidents
6. Etablir une série de recommandations sur les bonnes pratiques pour réduire le nombre et la sévérité des évènements les plus redoutés
7. Favoriser la recherche dans les facultés dentaires sur ce domaine
Mon avis : un très bon texte avec beaucoup de références (mais peu spécifiques au secteur dentaire) qui permet de situer le problème dans un grand pays européen.
Source : Perea-Pérez B., Santiago-Saéz F., LAbajo-Conzàles E., Villa-Vigil A., Patient safety in dentistry: Dental care risk management plan, Med Oral Patol Oral Cir Bucal-AHEAD OF PRINT, 2011